Implant électrique
Implant électrique pour les acouphènes : ancien challenge - nouveaux essais
Dr Yves Cazals, Directeur de recherche Inserm - Marseille- membre de notre comité scientifique - Tinnitussimo 72 – 2° trimestre 2011 -
Acouphènes et surdité
Un élément particulièrement important associé à l’apparition des acouphènes les plus courants (à savoir ceux dont la ou les causes physiologiques sont inconnues) est la présence d’une surdité. Cliniquement, c’est-à-dire pour les sujets dont les acouphènes sont suffisamment gênants pour avoir provoqué une consultation médicale, on observe quasiment toujours une surdité associée à la présence d’acouphènes.
La définition médicale de la surdité requiert une perte d’au moins 15 décibels mais des surdités plus faibles peuvent exister et le plus souvent on trouve dans un audiogramme raffiné de petites irrégularités indiquant des déficits locaux de plus faible amplitude.
Quand on étudie la tonalité de l’acouphène on observe dans la quasi-totalité des cas une correspondance très claire avec la surdité. C’est-à-dire que les acouphènes ressemblent à des sons pour lesquels le sujet a une perte auditive.
Quand on étudie la tonalité de l’acouphène on observe dans la quasi-totalité des cas une correspondance très claire avec la surdité. C’est-à-dire que les acouphènes ressemblent à des sons pour lesquels le sujet a une perte auditive.
Les exemples classiques sont le trauma sonore et la maladie de Menière.
Dans le cas de trauma sonore on observe une surdité portant plus particulièrement sur les fréquences aigües vers 4 000 Hz et au-delà et les sujets indiquent des acouphènes de type sifflement aigu.
Dans le cas de trauma sonore on observe une surdité portant plus particulièrement sur les fréquences aigües vers 4 000 Hz et au-delà et les sujets indiquent des acouphènes de type sifflement aigu.
En opposition les sujets souffrant de la maladie de Menière présentent au début de cette maladie une surdité portant sur les sons moyens et graves et ces sujets indiquent des acouphènes de type bourdonnement. Il semble donc y avoir un lien étroit entre une perte de sensibilité auditive de l’oreille et la présence d’acouphènes.
Sélection fréquentielle
Une caractéristique constante dans toutes les perceptions auditives normales est ce que l’on appelle lasélectivité fréquentielle. Il s’agit de la capacité à sélectionner perceptivement un son parmi d’autres. La règle toujours observée est qu’un son pourra être facilement rendu inaudible, ou masqué en terme audiologique, par un autre son si cet autre son est de fréquence très proche du premier, par contre plus le son masquant sera éloigné en fréquence vers les plus graves ou vers les plus aigus moins il sera masquant. On mesure facilement cettesélectivité fréquentielleen audiologie. On sait par des données physiologiques que la source de cettesélectivité fréquentielleest l’oreille interne.
Dans les cas de surdité affectant l’oreille interne on observe une détérioration de cettesélectivité fréquentielle proportionnelle au degré de surdité mais il reste presque toujours une certainesélectivité fréquentielle. Lorsqu’on mesure de la même façon comment divers sons masquent les acouphènes on observe assez souvent des caractéristiques bien différentes,c’est-à-dire que les acouphènes peuvent être masqués aussi efficacement par n’importe quel son quelle que soit sa fréquence.
Il s’agit là d’une différence remarquable qui indique que la perception des acouphènes en présence d’autres sons ne suit pas le même processus que la perception de sons réels. Cette absence desélectivité fréquentielleressemble à ce qu’on observe pour une audition normale lorsqu’on masque un son dans une oreille par un son dans l’autre oreille, dans ce cas ce sont les processus cérébraux de masquage qui sont en oeuvre et non plus les processus desélectivité fréquentiellede l’oreille interne.
Oreille interne et acouphènes
Comme indiqué dans la définition des acouphènes, il s’agit d’une perception auditive et donc d’une sensation consciente, cette affirmation implique que les zones cérébrales de la conscience auditive doivent nécessairement intervenir pour qu’il y ait un acouphène. En conclusion, il semble que des anomalies dont l’origine se situe dans l’oreille interne soient le plus souvent à l’origine des acouphènes comme facteur déclenchant mais que les acouphènes sont régis par des processus cérébraux de perception auditive.
Supprimer l’acouphène
De nombreuses thérapies psychologiques, acoustiques, pharmacologiques et électriques ont été, et continuent heureusement, à être explorées afin d’amoindrir ou idéalement de supprimer les acouphènes. Je vais m’intéresser à la dernière catégorie.
Stimulation électrique
Depuis plus d’un siècle on a observé que la stimulation électrique de l’oreille pouvait diminuer ou supprimer des acouphènes. Une étude datant de 1801 semble être la première à décrire cet effet. Au cours des dernières décennies cet effet a été reproduit plusieurs fois de façon tout à fait systématique. On a ainsi pu établir que l’efficacité est d’autant meilleure que l’on stimule très spécifiquement l’oreille interne en particulier en plaçant une électrode à son contact direct. Dans ces conditions, on peut amoindrir ou supprimer les acouphènes chez environ deux-tiers des sujets. Ces effets bénéfiques sont observés indépendamment de l’ancienneté de l’acouphène, du degré, de l’origine de la surdité associée. Ils sont limités aux acouphènes perçus subjectivement dans l’oreille stimulée, les acouphènes localisés dans l’autre oreille ou dans le crâne ne sont pas modifiés.
Ces effets se produisent immédiatement dès l’application de la stimulation électrique et ne durent le plus souvent que le temps de la stimulation mais malheureusement ils requièrent d’employer des courants électriques dangereux pour l’oreille interne et lorsqu’ils sont appliqués de façon persistante, au bout de plusieurs heures, des détériorations sévères des restes auditifs sont induites par ces courants.Des pistes de recherche restent à explorer concernant de possibles paramètres électriques efficaces mais non ou peu dangereux.
Implants cochléaires
Avec le développement remarquable des implants cochléaires on a observé que ceux-ci avaient souvent des effets bénéfiques contre les acouphènes. Ainsi 86 % des candidats à un implant cochléaire avaient un acouphène avant leur implantation, et il était déclaré comme gênant dans 27 % des cas. Après la chirurgie d’implantation les acouphènes étaient réduits dans 4 % des cas. L’usage de l’implant a réduit ou supprimé les acouphènes dans 86 % des cas et l’a augmenté dans 9 % des cas. Les sujets indiquent que l’audition des sons induits par l’implant rend leur acouphène inaudible par masquage complet ou par effet dedistraction d’attention vers les sons de l’implant.
Ces effets indiquent que la réactivation de la cochlée sourde et des structures cérébrales associées peut être efficace contre les acouphènes. Les stimulations électriques des implants cochléaires sont sans danger pour les oreilles sourdes et restent indéfiniment efficaces comme le montre le succès des implants cochléaires. Des stimulations électriques, ou magnétoélectriques du cortex auditif ont aussi été essayées récemment avec quelques succès mais ces études en sont encore à leurs débuts et d’éventuelles applications cliniques répandues ne sont en perspective que pour au mieux dans quelques années.
Au cours des deux dernières années nous avons réalisé de nouvelles études sur l’efficacité de la stimulation électrique de l’oreille interne pour supprimer les acouphènes. Ces études ont été financées par l’Agence Nationale de la Recherche section Technologies pour la Santé. Elles s’adressaient à des sujets atteints de surdité totale unilatérale souffrant d’acouphènes. La raison de ces études était que, comme indiqué dans les paragraphes antérieurs, ces acouphènes devraient être dus à l’absence persistante d’activités normalement issues de l’oreille à laquelle les structures cérébrales auditives réagissent en compensant elles-mêmes cette privation par une auto-activation excessive. L’objectif de ces études était de rétablir une activité de l’oreille sourde en la stimulant par impulsions électriques pour supprimer l’auto-activation cérébrale excessive engendrant des acouphènes. Des études expérimentales et des études cliniques ont été réaliséesdans cette perspective. On sait que les noyaux auditifs privés de stimulation subissent des altérations physiologiques fonctionnelles que l’on peut mesurer par des techniques d’électrophysiologie. On sait aussi que la stimulation électrique de la cochlée sourde permet de maintenir un niveau d’excitation du nerf cochléaire sur les centres auditifs du cerveau.
Les études expérimentales ont cherché à répondre à la question suivante : la stimulation électrique chronique de la cochlée sourde dès l’apparition de la surdité pourraitelle amoindrir ces altérations fonctionnelles et ainsi peut-être éviter l’apparition d’acouphènes ? Chez l’animal des séries de mesures électrophysiologiques de potentiels auditifs évoqués dans différents noyaux auditifs cérébraux ont été réalisées avant et à divers temps après surdité unilatérale en comparant des cas auxquels on a appliqué une stimulation électrique de l’oreille sourde par implant cochléaire à d’autres cas où une telle stimulation n’était pas appliquée.
Après surdité unilatérale totale on a observé en réponse au stimulus sonore, une hyperréactivité des structures auditives cérébrales supérieures qui correspond certainement à une hyperacousie.
Dans les conditions expérimentales utilisées, la stimulation électrique de la cochlée sourde a évité quelques altérations fonctionnelles des noyaux auditifs mais n’a pas amoindri les plus fortes. Des stimulations implantées plus profondément dans la cochlée et plus variées dans leurs activations pourraient peut-être éviter ou diminuer bien davantage les altérations fonctionnelles cérébrales après surdité. Les études cliniques ont été réalisées pour répondre particulièrement à la question suivante : sachant que la stimulation électrique par implant cochléaire d’une oreille interne totalement sourde peut soulager des acouphènes, des stimulations par électrode extra-cochléaire beaucoup plus simple et beaucoup moins onéreuse pourraient-elles produire les mêmes effets bénéfiques sur les acouphènes ?
Dans les conditions expérimentales utilisées, la stimulation électrique de la cochlée sourde a évité quelques altérations fonctionnelles des noyaux auditifs mais n’a pas amoindri les plus fortes. Des stimulations implantées plus profondément dans la cochlée et plus variées dans leurs activations pourraient peut-être éviter ou diminuer bien davantage les altérations fonctionnelles cérébrales après surdité. Les études cliniques ont été réalisées pour répondre particulièrement à la question suivante : sachant que la stimulation électrique par implant cochléaire d’une oreille interne totalement sourde peut soulager des acouphènes, des stimulations par électrode extra-cochléaire beaucoup plus simple et beaucoup moins onéreuse pourraient-elles produire les mêmes effets bénéfiques sur les acouphènes ?
Si oui, quels sont les paramètres électriques les plus efficaces ?
Des systèmes d’implant extra-cochléaire ont été réalisés conjointement par le professeur Bruno Frachet du service ORL de l’hôpital Avicenne de Paris, et le fabricant français d’implants cochléaires Neurelec. Des mesures des caractéristiques psychoacoustiques des acouphènes ont été faites puis des sujets ont reçu l’implant extracochléaire et des études de divers modes de stimulation électrique ont été réalisées.
Les premiers résultats indiquent des effets bénéfiques fiables et dont la quantification psychoacoustique est reproductible. Il a aussi été observé qu’en utilisant divers paramètres électriques on pouvait engendrer des sensations auditives différentes. Pour un usage régulier de l'implant les sujets ont préféré utiliser des stimulations électriques engendrant des sensations proches de leur acouphène. Les patients semblent actuellement satisfaits de leur stimulation extra-cochléaire et leur suivi à long terme est en cours.
La physiopathologie des acouphènes reste fort mal connue et les solutions thérapeutiques actuelles malheureusement très insatisfaisantes mais de nombreuses recherches sont en cours, comme celle présentée ci-dessus, et c’est seulement par des recherches persévérantes que l’on peut espérer trouver des traitements améliorés.
Conclusion
La physiopathologie des acouphènes reste fort mal connue et les solutions thérapeutiques actuelles malheureusement très insatisfaisantes mais de nombreuses recherches sont en cours, comme celle présentée ci-dessus, et c’est seulement par des recherches persévérantes que l’on peut espérer trouver des traitements améliorés.
Tinnitussimo 72 – 2° trimestre 2011 -
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