Équilibre, vestibules et rééducation de l’équilibre
Conférence de M. Jean-Louis Arnaud, kinésithérapeute à Privas (
Ardèche ) formé aux techniques de rééducation vestibulaire. Décembre
2012.
L’équilibre est la résultante musculaire de trois types
d’informations sensorielles provenant des vestibules, des yeux et des
récepteurs impliqués dans la sensibilité profonde (muscles,
tendons, articulations). Ces informations convergent sur le système
nerveux central qui après intégration de ces signaux, envoie aux muscles
des informations aptes à maintenir le corps en équilibre (figure 1).
On peut observer à la fois le travail proprioceptif et
vestibulaire sans la vision en fixant un crayon sur le crâne d’une
personne debout les yeux fermés avec une feuille de papier fixée juste
au-dessus : le crayon dessine une pelote allant suivant les individus de
1 cm à 20 cm de diamètre et même plus dans les cas pathologiques. Pour
tenir l’équilibre il faut au moins deux types d’informations.
La proprioception est assurée par les capteurs
mécaniques du tronc et des membres inférieurs situés à l’intérieursoit
des tendons, soit des ligaments, soit des articulations. C’est leur
étirement qui va renseigner le cerveau sur la position du corps par
l’intermédiaire des nerfs sensitifs. Toutes les pathologies
neurologiques périphériques (polynévrites, sciatiques, cruralgies,
sclérose en plaques…) entraînent des problèmes de proprioception.
La vision quant à elle, envoie, entre autres, deux types
d’informations au cerveau. Tout d’abord la perception de la verticale
(l’oeil recherche souvent les chambranles de porte) ce qui explique que
certaines personnes aient des problèmes quand on ne perçoit pas de
verticales comme dans les grands magasins par exemple. Elle apporte
aussi la perception du relief grâce à la perception stéréoscopique des
deux yeux. C’est ainsi que les personnes qui ne voient que d’un oeil ont
du mal à apprécier les distances.
Les vestibules sont situés dans l’oreille
interne (figure 2). Ils constituent des accéléromètres. Les cils dans
l’ampoule (figure 3) sont comme des algues dans la mer. Le mouvement de
la tête entraîne l’endolymphe dans l’autre sens, ce qui va faire
s’incliner les cils et induire une information nerveuse. Les trois
canaux semicirculaires (Figure 4 ) et leurs ampoules constituent des
accéléro- mètres dans les trois plans des canaux. L’utricule est un
accéléromètre vertical tandis que le saccule correspond à un
accéléromètre frontal et sagittal.
Un réflexe vestibulo-oculomoteur contribue à maintenir
fixe l’image rétinienne sur la rétine quand on tourne la tête. Par
exemple, quand on tourne la tête à droite, un mécanisme vestibulaire
passant par le canal horizontal droit, dont l’excitation correspond à
une arrivée centripète du liquide à l’intérieur de l’ampoule, va
stimuler les muscles du mouvement lent oculaire gauche. C’est ce qui
nous reste de nos anciens instincts de chasseurs. Il existe un outil
indispensable pour visualiser les mouvements des yeux, donc pour tester
la santé des vestibules. C’est le nystagmoscope constitué d’un masque
avec une caméra vidéo.
Les pathologies vestibulaires
Le VPPB ou Vertige Positionnel Paroxystique Bénin
Comme son nom l’indique il est peu grave. Il est
réversible et représente 20 à 30 % des pathologies de type vertiges.
C’est le liquide qui se trouve dans un des trois canaux semi
circulaires, qui s’épaissit petit à petit et se transforme en une sorte
de gélatine qui perturbe le mouvement des cils à l’intérieur de
l’ampoule. Comment peut-on reconnaître un VPPB ? Généralement, les
personnes sont allongées en plein sommeil. Elles se retournent dans le
lit et ressentent d’un seul coup un énorme vertige, avec lit et plafond
qui se mettent à tourner. Le vertige, très violent, ne dure que 8 à 10
secondes. La même sensation peut être ressentie en levant ou en baissant
la tête. En se retournant, la gélatine vient s’appuyer lourdement sur
les cils de l’ampoule, comme du sable au fond de la mer, qui se poserait
sur des algues et les ferait ployer. Le réflexe vestibulo-oculaire va
entraîner un mouvement très rapide des yeux que l’on appelle nystagmus
et qui va créer la sensation de vertige rotatoire. Le nystagmoscope est
utilisé pour défi nir quel est le canal concerné (il y en a six, trois
par oreille). Quand on sait lequel est en cause, le kinésithérapeute
rééducateur pourra manipuler le patient dans le sens qu’il faut afin de
fractionner l’amalgame et de l’évacuer vers l’utricule pour qu’il y soit
détruit.
La maladie de Menière
Il s’agit d’une production massive d’endolymphe qui va
créer une tension à l’intérieur du vestibule et en particulier des
capteurs ciliés de l’ampoule, mais aussi dans la cochlée. Les symptômes
sont de gros vertiges, des pertes d’audition et des acouphènes. Les
vertiges sont souvent liés à une diminution ou une augmentation de la
sensibilité d’un vestibule et donc du nombre ou de l’amplitude des
nystagmus. On ne sait pas encore à quoi est dû ce décalage entre les
deux vestibules. On sait qu’il existe une production trop importante
d’endolymphe, mais les mécanismes en sont encore méconnus. Chez
certaines personnes, on sait que le stress et la fatigue sont des
facteurs déclenchants.
Tous les stades intermédiaires peuvent être observés. On
parle alors de syndrômes pressionnels. Le traitement kinésithérapique
utilise différentes techniques :
le fauteuil rotatoire va aider à évacuer le surplus d’endolymphe.
l’optocinétique, ou appareil qui projette des points
lumineux mobiles sur les murs d’une pièce non éclairée, permet de
diminuer l’influence des yeux au profit des vestibules.
le plateau ou la plateforme vestibulaire permet de coordonner vestibule, proprioceptif et vision.
Dans certains cas, la rééducation et/ou les médicaments
ne suffisent pas. On pratique alors la neurectomie vestibulaire ou
section du nerf vestibulaire. L’organisme ne fonctionne plus alors que
sur un seul vestibule. Il faudra suivre une rééducation pour retrouver
l’équilibre.
L’omission vestibulaire
Pour une raison inconnue, certaines personnes âgées ou
bien des personnes qui ont pris des neuroleptiques pendant très
longtemps se mettent à ne plus marcher droit, ne peuvent plus supporter
la foule ni les grands magasins. En fait, ils ne se servent plus de
leurs vestibules. Alors que ceux-ci fonctionnent normalement, ils ne se
servent que de leurs yeux et guettent en permanence les verticales et
les chambranles de porte qui seraient susceptibles de les faire tenir
droits. Ils ne sont donc pas bien quand cette perception des verticales
n’est pas possible ou perturbée comme dans la foule ou les grands
magasins, qui représentent une masse grouillante, mouvante qui ne peut
servir de référence de verticale pour le maintien de l’équilibre.
Les personnes sont donc mal, ne tiennent plus debout, et
n’ont qu’une envie, celle de sortir du magasin. Ce que l’on appelle
couramment ‘avoir le vertige’ soit sur un escabeau, soit sur une
falaise, est une forme d’omission vestibulaire qui se traite presque de
la même façon. Le traitement kinésithérapique fait intervenir
l’optocinétique qui permet une remise en route des vestibules en
quelques séances.
Névrite vestibulaire ou vestibulite
Elle correspond à une atteinte virale du nerf
vestibulaire, à l’origine d’une lésion soit provisoire soit définitive
de ce nerf. L’atteinte se manifeste de manière assez brutale par un
épisode très violent de vertiges, avec un nystagmus permanent visible à
l’oeil nu. Il est souvent nécessaire de mettre les patients sous
perfusion. L’instabilité peut durer de quelques semaines à quelques
mois.
Le traitement kinésithérapique doit débuter dès que les
gens commencent à tenir debout, soit souvent trois ou quatre jours après
le début de la crise.
Le syndrome hémodynamique ou sHD
C’est une sorte de spasme des artères vertébrales
situées à la base du crâne. Il est souvent lié à une attitude de tête
cambrée pendant longtemps (ramassage de fruits, travail sous plafond,
écran d’ordinateur trop haut…). Ce spasme artériel crée une diminution
du débit sanguin responsable d’une perturbation des centres nerveux de
l’équilibre et se traduit souvent par une sensation de petits vertiges
et d’instabilité souvent plus forte le matin, au lever. L’arthrose
cervicale peut accentuer ce syndrome. Le traitement kinésithérapique
consiste en des conseils d’hygiène et de la position statique à la fois
pour la journée et pour la nuit ainsi qu’en un travail spécifique sur
les cervicales hautes.
Les vertiges neuro-vasculaires
Ce sont toutes les pathologies de lésions
vasculonerveuses, soit du toit du quatrième ventricule dans le cervelet,
soit des noyaux vestibulaires dans le tronc cérébral, soit des lésions
vasculaires du vestibule (Lindsey Hemenway), soit des lésions du nerf
vestibulaire… La caractéristique des affections purement neurologiques
centrales est l’instabilité non seulement pendant mais aussi après le
mouvement. Par exemple, le patient tourne sur lui-même, il va beaucoup
plus lentement qu’à l’ordinaire et manque de tomber à l’arrêt de sa
rotation.
Le traitement kinésithérapique suit la gradation des
lésions qui peuvent aller de petites lésions des noyaux vestibulaires,
entraînant de petites instabilités sans vertiges et qui nécessitent une
rééducation vestibulaire assez légère, aux grosses ataxies cérébelleuses
(manque de coordination fine des mouvements des muscles) nécessitant un
travail lourd de compensation proprioceptive et visuelle.
Le syndrome de l’autoroute
Il se manifeste chez de gros rouleurs qui se mettent à
avoir peur de doubler sur l’autoroute. Quand on est sur la voie de
gauche, la rétine périphérique gauche voit défiler plus vite les
barrières d’autoroute que la campagne à droite. À force de rouler, ces
personnes ont donc l’impression de tourner à droite quand ils doublent
et vont donc contrebraquer à gauche car ils ont peur de tamponner la
voiture en doublant. Ils peuvent aussi se cramponner au volant et être
obligés de s’arrêter très fréquemment. La rééducation consistera en un
rééquilibrage des deux rétines périphériques en travaillant en
optocinétique. Le problème se résout en quelques séances.
Conclusion
Il ne faut pas trop attendre avant de faire prendre en
charge un vertige. Il ne faut pas hésiter à consulter un médecin, un ORL
ou un kinésithérapeute spécialisé. Les centres nerveux sont par
définition doués de plasticité et s’ils ne trouvent pas leur compte dans
l’information vestibulaire, ils risquent de chercher ailleurs une
information afin de préserver leur équilibre. Ils la trouveront
généralement dans la vision, mais la fréquence nerveuse du message
oculaire est de 24 Hz alors que celle des vestibules est de 150 Hz ce
qui va forcément induire un malaise, car le besoin d’information du
cerveau ne sera pas totalement assouvi à cause de la différence de
fréquence. De plus, cela va rallonger le temps de récupération et donc
le nombre de séances de rééducation car il faudra reprogrammer les
stratégies d’équilibre.
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