Menière: Quoi de neuf en 2015 sur la maladie
Extraits de l’intervention du Dr Didier Bouccara lors des conférences de l’après-midi de l’Assemblée Générale de France Acouphènes le 28 mars dans l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris.
Transcription de l’enregistrement par Dominique Vallée, que nous remercions.
Présentation
On est vraiment très loin de connaître tout ce qui concerne cette maladie : sa cause, ses mécanismes, et pour le traitement cela génère un certain nombre de questions.
Pourquoi parle-t-on de maladie de Menière ? C’est parce qu’elle a été décrite au 19e siècle par un médecin qui s’appelait Prosper Menière. Il a identifié les symptômes qui composent cette maladie à savoir la répétition de crises de vertiges au cours desquels surviennent des troubles de l’audition : baisse de l’audition, et apparition d’acouphènes particuliers puisqu’ils sont de tonalité grave. Il a très bien décrit cette maladie, mais ne savait pas qu’elle avait son origine dans l’oreille interne ; il pensait plutôt que l’origine des troubles se localisait au niveau du cerveau.
Très longtemps après, des études anatomiques ont comporté des travaux de recherche portant sur les structures de l’oreille interne de personnes décédées ayant souffert de la maladie de Menière durant leur vie. Ils ont montré que dans l’oreille interne, la cochlée de ces personnes présentait des modifications très importantes. Il y avait en particulier une distension et une destruction d’une partie de l’oreille interne. C’est ce qu’on appelle l’hydrops.
Donc il y a eu un cheminement de la description des symptômes jusqu’à la mise en évidence de l’hydrops. Toutefois, il n’est pas sûr que l’hydrops soit la conséquence de cette maladie, peut être que dans certains cas ce serait plutôt la cause.
Je voudrais aborder avec vous trois points :
- Mécanismes de la maladie de Menière.
- Diagnostic : a-t-on, en 2015, des outils plus précis pour faire le diagnostic?
- Traitements
- Mécanisme de la maladie de Meunière
L’oreille interne
La partie visible de l’oreille est le pavillon avec le conduit externe, l’ensemble constituant l’oreille externe. C’est la partie qui sert à capter, à drainer les sons. Ensuite il y a une barrière, la membrane du tympan, derrière laquelle on trouve l’oreille moyenne, une cavité qui contient 3 petits osselets : le marteau, l’enclume et l’étrier. Ces 3 osselets vont transmettre les vibrations sonores qui arrivent sur le tympan à l’oreille interne qui est localisée après.
Dans l’oreille moyenne il y a un conduit : la trompe d’eustache qui sert à amener de l’air dans l’oreille moyenne pour en équilibrer en permanence les pressions. L’air provient de la partie la plus postérieure du nez : le cavum ; où est localisé l’origine de la trompe d’Eustache.
Le troisième et dernier compartiment de l’oreille qui nous intéresse directement, c’est l’oreille interne. Elle est très profondément logée dans la cavité osseuse, inaccessible à l’examen au spéculum 1 . Si on voulait faire des prélèvements dans cette oreille interne, une biopsie comme on le fait sur certains organes corporels, on détruirait les structures en passant à travers : on ne peut donc pas le faire.
L’oreille interne comporte deux éléments, la cochlée qui a une forme d’escargot et qui est liée à la fonction d’audition et les trois canaux semi-circulaires qui constituent l’organe de l’équilibre.
Cette oreille interne comporte des cellules, les cellules ciliées, qui sont pratiquement les mêmes pour l’audition et pour l’équilibre.Ce système est clos sur lui-même, c’est le compartiment endolymphatique. Il est rempli d’un liquide qui circule, appelé endolymphe, dont la pression est probablement modifié au cours de la maladie de Menière. C’est ce liquide qui assure le bon fonctionnement de l’oreille interne. Le sac endolymphatique est une sorte de poche située en continuité avec la cochlée et l’ensemble des canaux semi-circulaires. C’est le lieude production de l’endolymphe. Un certain nombre de traitements de la maladie de Menière est ciblé sur le sac endolymphatique.Les mécanismes de la maladie de Menière sont encore largement inconnus. On pense en 2015 qu’il y a un certain nombre de faits bien établis concernant les causes. Entre autre, en ce qui concerne l’hydrops 2 . L’hydrops est une anomalie de la pression du liquide endolymphatique. Cette augmentation de pression va avoir pour effet de distendre l’oreille interne, un peu comme un ballon de baudruche dans lequel on soufflerait, et cela de manière répétée à chaque crise. Cette répétition va modifier le bon fonctionnement des cellules ciliées de l’oreille interne d’où l’apparition de différents symptômes : vertiges, acouphènes, baisse de l’audition. Parfois il y a des dégâts très importants avec apparition de fistules qui peuvent créer des communications anormales.
1 Spéculum : du latin : miroir qui permet de voir
2 Hydrops endolymphatique : augmentation de la pression du liquide dans le labyrinthe de l’oreille interne
3 ADH : hormone antidiurétique
Cause de l’hydrops et donc de la maladie de Menière
C’est compliqué car il y a plusieurs pistes. La difficulté est de ne pas pouvoir faire des mesures directes chez les humains, car l’examen invasif serait destructeur, on est donc obligé de construire des modèles expérimentaux et de faire des hypothèses.
Causes de cette modification de pression
- La première hypothèse serait que le sac endolymphatique se mettrait à produire du liquide endolymphatique de façon anarchique.
- La seconde serait que, au niveau de l’oreille interne, un certain nombre d’hormones, par exemple l’ADH 3 qui régule la fonction urinaire, la Prolactine et d’autres hormones agiraient sur l’oreille interne et en modiferaient la pression.
- La troisième serait d’ordre immunologique. Il existe des maladies auto immunes, au cours desquelles l’organisme développe des attaques contre lui-même. Dans certains cas de maladie de Menière des mécanismes immunologiques perturberaient la régularité de la production du liquide endolymphatique.
D’autres mécanismes ou facteurs semblent impliqués dans l’apparition de cette maladie : la migraine, l’allergie, des infections virales... Donc, le fait qu’il y ait un grand nombre de pistes illustre bien les limites de nos connaissances sur le sujet.
Par ailleurs, le stress est un facteur souvent rencontré quand on interroge des patients souffrant de cette maladie. On pense donc qu’il y a un effet de certains médiateurs du stress, qui sont des molécules sécrétées par l’organisme dans cette situation. Il est tout à fait probable que ces molécules aient aussi un effet sur l’oreille interne. La vraie question est :
« Est-ce que le stress est la cause, le facteur déclencheur de la maladie ou est-ce que c’est la conséquence de la répétition des crises ? »
Ce n’est pas simple de faire la part des choses. Nous avons donc un faisceau d’hypothèses concernant la modification de pression dans l’oreille interne mais des questions restent en suspens.
Cette distension de l’oreille interne, est-ce la cause ou la conséquence ? Une étude a été publiée il y a quelques années qui a semé le trouble parmi les spécialistes, puisque, en étudiant l’oreille interne de personnes décédées, on a trouvé ce même type de modifications anatomiques de la cochlée : hydrops.Les équipes qui travaillent sur le sujet ont donc un peu remis en cause le rôle unique de l’hydrops endolymphatique. L’origine de la maladie serait multifactorielle. Nous sommes encore ici dans le domaine des hypothèses et non dans celui des éléments factuels. Ce qu’on peut dire à peu près sûrement, c’est qu’il y a un dérèglement de l’oreille interne, sans doute avec perturbation de la production et/ou de la résorption 4 du liquide endolymphatique. Cela peut être dû à des problèmes locaux - mauvais fonctionnement du sac endolymphatique - soit des problèmes plus généraux d’anxiété, de stress.
4 Résorption : action d’absorber de nouveau
2. Diagnostic de la maladie de Menière
S’agissant des symptômes les choses n’ont pas beaucoup changé depuis la description de Prosper Menière. Cependant le diagnostic de maladie de Menière est parfois donné de façon abusive à certains patients pour des vertiges qui ne correspondent pas en réalité à la Maladie de Menière. Ainsi beaucoup de patients viennent nous voir en nous disant : « Docteur, j’ai des vertiges de Menière » et si l’on détaille leurs symptômes et réalise quelques examens on se rend compte que la cause de leurs symptômes n’est pas la Maladie de Menière.
Nous devons donc bien caractériser la maladie avec deux critères principaux à réunir :
a- Tout d’abord, la maladie évolue par crises Donc pour une personne qui n’aurait eu qu’une seule crise, on ne peut conclure qu’il s’agisse d’une maladie de Menière. Il faut qu’il y ait eu au moins deux crises et même plusieurs répétées dans le temps même si elles peuvent être espacées de plusieurs mois.
b- Pendant la crise, il faut qu’il y ait eu un vertige durant au moins 20 minutes, mais aussi des symptômes auditifs : sensation d’oreille bouchée - ce qu’on appelle la plénitude d’oreille - et surtout, des acouphènes et une atteinte de l’audition sur les fréquences graves. Nos collègues anglo-saxons ont formalisé des recommandations pour que le diagnostic de la maladie de Menière soit posé le plus précisément possible. Ils distinguent la maladie de Menière comme étant possible, probable ou certaine selon le nombre de symptômes associés et leur simultanéité.
Beaucoup de patients viennent nous voir en nous disant qu’ils ont cette maladie alors qu’ils ont tout autre chose. De temps en temps on a des formes de maladie de Menière dont les symptômes ne se présentent pas de la manière décrite ci-dessus. Avant de ressentir la simultanéité des symptômes dont nous avons parlé, certaines personnes ressentent plusieurs années avant des signes annonciateurs. Ces signes peuvent être, soit des acouphènes sur les fréquences graves, soit des fluctuations d’audition, c’est-à-dire des diminutions transitoires de l’audition qui se rétablit spontanément ou pas. En suivant ces patients sur plusieurs années, on va voir se compléter le diagnostic jusqu’à regrouper l’ensemble des symptômes évoqués plus haut.
Ces symptômes peuvent être très intenses : il y a parfois des vertiges très forts, nous allons en parler. Souvent les patients nous posent la question de savoir si, ayant une maladie de Menière d’un côté, ils vont l’avoir aussi de l’autre côté. C’est possible mais relativement rare, a priori nettement moins de 10% des personnes souffrant de maladie de Menière développent une atteinte bilatérale.
Concernant l’intensité des symptômes, il faut parler de deux formes de la maladie :
La forme de Tumarkin, très brutale, avec des vertiges qui souvent s’accompagnent d’une chute. La personne a la sensation d’être poussée très fortement vers l’avant ou l’arrière qui peut aller jusqu’à la chute. Si ce type de crise intervient alors que la personne est au volant, ou dans une situation périlleuse, il y a danger.
La forme de Lermoyez : au départ la personne a l’impression d’une oreille qui se bouche avec une baisse d’audition. Cette impression est désagréable, elle dure plusieurs jours et tout d’un coup apparaît un vertige et l’audition se restaure. Dans cette forme, les symptômes ne sont pas simultanés : les symptômes auditifs précèdent les vertiges et ces derniers s’accompagnent d’une amélioration auditive
Les examens pratiqués par l’ORL
1- Écoute du patient
Le premier point qui semble important est d’écouter le patient : quels sont ses symptômes, leurs facteurs déclenchant ? Quel est l’impact de cette maladie pour lui ? En effet, pour certains, les crises sont espacées de plusieurs mois alors que, pour d’autres, c’est tous les jours ou tous les deux jours. La gravité ressentie peut être très différente et c’est un élément à connaître.
2- Évaluation
Il est difficile d’évaluer individuellement l’intensité des symptômes ressentis. Pour cela, on utilise un questionnaire, rempli par le patient et qui nous permet de coter de 1 à 5 la sévérité de la maladie.
3- Contexte psychologique
Comprendre le contexte psychologique de la personne : « A-t-elle des fragilités telles que anxiété, stress, des évènements de sa vie personnelle qui peuvent déclencher voir entretenir la maladie ? »
Questionnaire
Voilà le questionnaire que je remets à la personne pour qu’elle le lise et qui lui permet de situer la sévérité de ses crises.Ce questionnaire évalue l’impact de la maladie au quotidien avec cinq niveaux d’intensité croissante du niveau 1 au niveau 5 :
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Questionnaire en 5 stades
1 Mes vertiges n’ont aucun retentissement sur mes activités.
2 Lors d’une crise de vertige, j’arrête mes activités pendant quelques instants. Mais la crise passe vite et je peux reprendre mes activités. Je continue à travailler, à conduire et à entre- prendre mes activités sans restriction. Je n’ai pas du tout changé mes projets ou mes activités en raison de mes vertiges.
3 Lors d’une crise de vertige, j’arrête mes activités pendant quelques instants. Mais la crise nit par passer et je peux reprendre mes activités. Je continue à travailler, à conduire et à entreprendre la plupart des activités de mon choix, mais j’ai été obligé de modi er certains projets et de tenir compte de mes vertiges.
4 Je suis capable de travailler, de conduire, de voyager, de m’occuper de ma famille et d’entre- prendre la plupart des activités de la vie quoti- dienne. Cependant, cela me demande un gros effort. Je dois adapter constamment mes activités et économiser mes forces. J’y arrive à peine.
5 Je suis incapable de travailler, de conduire ou de m’occuper de ma famille. Je suis incapable de faire la plupart des choses que je faisais auparavant. Je dois même limiter les activités élémentaires de la vie quotidienne. Je suis handicapé(e).
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Niveau 1 : la maladie n’est pas invalidante, les vertiges n’ont aucun retentissement sur l’activité de la personne...
Niveau 5 : c’est le stade du handicap, je suis incapable de travailler, de conduire. Ce questionnaire est intéressant, car on va le remettre à la personne la première fois qu’elle vient nous consulter, puis on le proposera à nouveau à chaque phase du traitement engagé. On verra alors si la gravité estimée a diminuée ou non.
Audiogramme et examens de la fonction vestibulaire
L’ORL va faire des tests pour évaluer la fonction auditive par un audiogramme et la fonction vestibulaire (équilibre) par différents examens. Ci-dessous un audiogramme normal et un audiogramme d’une personne atteinte par la maladie de Menière dans lequel on voit l’atteinte auditive portant sur les fréquences graves.
Lors de la consultation, il faut essayer de repérer chez le patient ce qui déclenche des crises et si il n’ y a pas d’autres facteurs d’ordre général : cholestérol élevé, trouble de la glycémie etc. Et il faut s’assurer qu’un bilan biologique a été fait et sinon le faire réaliser.
Radios, scanner ou IRM
On fait maintenant en général une IRM pour éliminer les autres causes de vertiges : tumeur, comme par exemple un neurinome de l’acoustique ou une malformation de l’oreille interne... Ces examens sont classiques, conventionnels, connus de certains d’entre vous. Il nous manque quand même le test qui permettrait de trancher formellement en faveur de la maladie de Menière ou non.
Depuis 25 ans que je suis praticien ORL, j’ai vu arriver tous les 5 à 10 ans un nouveau test qui est annoncé comme déterminant pour af rmer le diagnostic de maladie de Menière. Dans la pratique, même si ils ont amélioré le diagnostic les tests ne marquent pas la n de l’incertitude : il nous manque toujours un examen qui permettrait d’avoir une mesure la plus objective possible de la pression dans l’oreille interne.
Il y a quelques années est apparu un test intéressant appelé Echodia® développé par le CHU de Clermont- Ferrand avec le Professeur Laurent Gilain et le Professeur Paul Avan. Ce dernier est un des spécialistes qui connaissent le mieux le fonctionnement de l’oreille interne. C’est un examen qui n’est pas douloureux, il mesure de manière indirecte des paramètres corrélés à la pression dans l’oreille interne. Un petit capteur est placé dans l’oreille et on mesure les otoémissions acoustiques. On les mesure en position assise et en position couchée. Dans les maladies de Menière, ce test met en évidence des anomalies. Ce test est non invasif et ceux qui l’ont développé sont en train de colliger ses résultats pour voir si cela ne serait pas un outil intéressant pour le suivi de la maladie.
3. Traitements
Vous avez bien réalisé que le parcours du diagnostic est semé d’incertitudes bien que le tableau général des symptômes soit maintenant connu.
Évolution naturelle de la maladie
Dans le temps, les crises vont nir par cesser sponta- nément. Vous allez me demander « Oui mais quand ? ». On ne connaît pas de cas où les crises surviendraient pendant des dizaines d’années. Mais on ne sait pas prévoir l’échéance pour une personne donnée.
On donne beaucoup de médicaments, on propose parfois des interventions mais certains disent qu’il vaudrait peut être mieux commencer par des choses plus simples. Par exemple des mesures diététiques, en évitant les facteurs déclenchant des crises : alcool, café, tabac, le sel. Par exemple aussi une prise en charge psychologique pour des facteurs déclenchant comme le stress, l’anxiété.
La chirurgie propose des interventions mais elles peuvent être relativement lourdes donc il faut mettre en balance les avantages et les risques. Il faut peut être l’envisager quand la maladie est rebelle aux autres traitements. Récemment sont apparus d’autres modalités de traitement par voie locale, des injections de Gentalline® ou de corticoïdes qui permettent d’éviter des interventions plus lourdes.
Je voudrais revenir aux facteurs psychologiques. Dans nombre de publications scienti ques sur la maladie, on voit fréquemment cité le lien entre facteurs psychologiques et symptômes de la maladie de Menière. Certaines études montrent bien que le stress intervient souvent quelques heures avant la survenue de la crise. Finalement, quels traitements proposer en 2015 ? Voilà la stratégie de traitement utilisé dans le service hospitalier où je travaille depuis plus de 20 ans à Beaujon puis à la Pitié Salpétrière.
3 paliers de traitement
- Traitement initial
Proposé à tous les patients, il est à base de médicaments, d’une prise en charge psychologique et d’une rééducation vestibulaire éventuellement. Si cela est insuffisant, on passe au second palier.
- Traitement plus énergique mais conservateur
- Traitement plus radical C’est le niveau de sévérité de la maladie qui va déterminer à quel palier de traitement on va commencer. Le traitement médical est composé de nombreux médicaments qui seront prescrits selon l’évolution des symptômes de la maladie. Mais, s’il y a une évolution de la maladie, la question est la suivante : « Est-ce dû à la prise de ces médicaments ou à l’évolution naturelle de la maladie ou même à un effet placebo (en quelque sorte le fait de s’occuper du patient) ? »
Médicaments utilisés
Ceci est variable d’un pays à l’autre, mais on utilise en Europe la Betahistine® que certains d’entre vous connaissent sans doute. Le Betaserc®, le Serc® qui sont des régulateurs de l’oreille interne et des noyaux vestibulaires. On utilise aussi dans certains cas des diurétiques, le Diamox®, le Lasilix®. Les diurétiques ont pour but de réduire la pression dans l’oreille interne en faisant éliminer de l’eau et du sodium.
On a parlé du facteur stress et certains patients prennent des anxiolytiques, par exemple Lexomil® ou Valium®, à petites doses.
Réduction des apports en sel
Un régime hyposodé, est une recommandation que l’on fait à chaque fois car certains patients nous décrivent dans les facteurs déclenchant un repas trop salé pris peu de temps avant le début d’une crise. On ajoutera éventuellement une prise en charge psychologique.
Chirurgie
Si ce traitement est insuffisant, on passera au second palier qui consistera soit dans la chirurgie du sac endolymphatique soit l’utilisation d’un système pressionnel externe. On veut agir alors sur les mécanismes de l’oreille interne qui sont déréglés tout en préservant les organes de l’audition et de l’équilibre. La chirurgie du sac endolymphatique a pour but de retirer la coque osseuse autour du sac de manière à ce que le sac puisse s’épandre et que la pression dans l’oreille se régularise.
Citons trois procédés qui interviennent sur les systèmes pressionnels et ont l’avantage de ne de pas être destructeurs de l’oreille interne, mais qui sont globalement moins utilisés, car ne produisant pas un effet clairement démontré et systématique.
Premier procédé, la pose d’un drain transtympanique, ou yoyo ou diabolo. C’est ce que l’on utilise pour traiter dans certains cas les otites séreuses des enfants. Cet aérateur est placé à cheval sur le tympan après une petite incision dans laquelle on place ce diabolo. C’est un procédé qui remonte aux années 1985. Il a pour but de réguler, par des mécanismes non encore totalement élucidés, les pressions dans l’oreille interne. On a montré alors que cela réduisait la sévérité des vertiges dans un certain nombre de cas.
Citons un procédé qui avait été un peu écarté et qui est revenu d’actualité il y a quelques années pour un traitement qu’on appelle le Meniett® un système que l’on plaçait au niveau de l’oreille près du drain avec des séances de pulsations, de pression dans l’oreille. Cela a fait couler beaucoup d’encre à l’époque, car l’efficacité vis-à-vis d’un procédé placebo n’a pas été montrée de façon flagrante.
À partir de cela quelqu’un a inventé un troisième procédé, le système : P 100 avec une petite poire, un tuyau et un embout et qui est toujours proposé. Très sincèrement, on ne recommande pas habituellement ces deux derniers procédés, car ils n’ont pas réellement montré d’effets durables sur la maladie. En n, pour le traitement radical, cela reste une décision difficile à prendre avec le patient, décision qui est de détruire l’organe en cause, l’organe de la fonction vestibulaire qui fonctionne de manière anarchique.
Traitements plus radicaux
Labyrinthectomie chirurgicale
Elle détruit complètement les structures de l’audition et de l’équilibre qui amène à une surdité totale, donc on ne le fait pas sauf exception.
Labyrinthectomie chimique
Il s’agit d’injections d’aminosides à travers la membrane du tympan. C’est une famille d’antibiotiques dont vous connaissez peut être l’un d’entre eux qui est la Gentalline®, un antibiotique assez puissant utilisé pour des infections sévères. Ce produit par voie injectable est parfois utilisé en réanimation. Il est très efficace contre des microbes résistants mais avec un effet secondaire très gênant car il est toxique pour l’oreille interne.
Son utilisation dans la maladie de Menière est très stricte : on fait des injections dans l’oreille moyenne. Le produit va diffuser jusque dans l’oreille interne et détruire les capteurs vestibulaires donc supprimer toute possibilité de vertige. On utilise un protocole avec des doses faibles, d’abord une première injection, suivie d’une mesure des effets pour limiter le risque de perte de l’audition. On se donne une période de quinze jours à un mois avant une autre injection si les vertiges continuent.
Il faut pouvoir déterminer combien il faudra d’injections pour supprimer les vertiges sans risque pour l’audition. En général on arrive en moyenne à contrôler les vertiges avec 2 ou 3 injections, parfois cela peut être plus : cela dépend cas par cas.
Parfois on utilise des injections locales de corticoïdes à travers les tympans : les indications de cette procédure sont en cours de formalisation.
Neurotomie vestibulaire
C’est une intervention qui consiste à couper le nerf de l’équilibre. C’est plus lourd car il faut ouvrir les méninges, les enveloppes du cerveau, pour aller localiser le nerf vestibulaire, quand il s’engage dans le tronc cérébral, pour le sectionner. Cette solution est radicale car les informations ne parviendront plus au cerveau, une compensation se mettra en place, aidée par la rééducation vestibulaire. Le risque est réduit quand le geste chirurgical se fait en utilisant des voies d’abord plus petites et des techniques endoscopiques. En regardant toutes ces pratiques, on peut noter que le traitement par Gentalline® est actuellement celui qui est de plus en plus largement pratiqué dans les cas où une solution radicale est envisagée.
Pour terminer je voudrais aborder les aspects psychologiques de la maladie de Menière. C’est un travail réalisé avec deux psychologues, Mme Renard et Mme Carillo à La Pitié et à Beaujon. L’idée est de repérer les facteurs psychologiques qui peuvent être à l’origine de la survenue des symptômes. Si lors de nos entretiens avec le patient nous repérons ces facteurs, nous lui proposons un entretien avec une psychologue pour aller plus loin dans l’analyse et la prise en charge de ces facteurs.
Les symptômes de la maladie de Menière sont parfois très violents mais difficiles à objectiver par l’entourage : cela ne se voit pas, c’est une sensation vécue par le sujet donc le côté subjectif est très important.
La répétition des crises nit par générer une certaine souffrance psychique dont le retentissement varie d’une personne à l’autre. Il y a aussi des événements de la vie qui peuvent influencer le début de la maladie, les crises, les rechutes. Comme pour les acouphènes, on travaille donc en équipe pour cerner les différents aspects de la maladie et tenter de réduire les symptômes et leur retentissement.
Conclusion
À la fin de tout cet inventaire, on voit bien que l’on peut proposer actuellement une prise en charge structurée, avec un éventail de possibilités qui ont toutes pour but d’améliorer le confort de vie du patient.
QUESTIONS ET REPONSES
J’ai un acouphène permanent depuis 11 ans. On m’a parlé de Menière, on ne sait pas trop. J’aimerais savoir si dans le cas de Menière, l’acouphène est permanent ou pas ?
C’est une question pour laquelle la réponse n’est pas unique. Les acouphènes dans la maladie de Menière sont un peu particuliers puisqu’ils sont de tonalité grave : bourdonnement, ronronnement... à la différence des autres qui sont plutôt aiguës. Ce qui est habituel c’est qu’ils apparaissent au tout début de la maladie, de façon isolée, les vertiges apparaissant secondairement. Ils ont tendance à s’installer et à persister.
À partir du moment où l’on commence un traitement, cela a de l’effet sur l’ensemble des symptômes, les troubles de l’équilibre et aussi les acouphènes mais cela est variable d’une personne à l’autre. Parfois l’acouphène est permanent et pas trop gênant, parfois il est augmenté durant les crises de vertige.
Vous avez parlé des traitements, moi je suis traitée sous Mannitol® sur un protocole biannuel. Vous n’en avez pas du tout parlé.
Le Mannitol® est un sucre, il agit par un effet osmotique. La perfusion de Mannitol® qui va diffuser dans l’oreille interne va faire en quelque sorte un appel d’eau, la pression dans l’oreille interne va se réduire. Faut-il l’utiliser dans la maladie de Menière ?
Ce n’est pas un traitement dénué de risque car il apporte beaucoup d’eau et il faut vérifier que du point de vue cardiaque, du fonctionnement artériel et du point de vue rénal, il est bien toléré. Les avis ne sont pas tous unanimes. Nous utilisons le Mannitol® plutôt dans une phase très aiguë des symptômes. C’est-à-dire lors d’une période où l’audition baisse beaucoup d’un seul coup et quand la personne ne répond pas bien aux traitements à base de corticoïdes ou d’autres médicaments ou quand les vertiges ne sont pas contrôlés.
Ces perfusions vont avoir lieu sur une courte durée, de l’ordre de 5 à 6 jours avec une surveillance sanguine. Mais à mon avis il n’est pas possible de répéter plusieurs fois dans l’année des perfusions de Mannitol® parce que l’on risque de modifier le fonctionnement cardiovasculaire et rénal.
Je suis audioprothésiste et je vois des patients qui souhaitent être appareillés sur l’oreille atteinte par Menière mais je préfère attendre que tout soit stabilisé sous prétexte d’éviter de le réveiller. Est-ce que vous avez une idée du délai ou des signes qui permettraient d’engager l’appareillage ?
Vous posez un problème dont je n’ai pas trop parlé. À partir du moment où la baisse d’audition s’installe dans la maladie de Menière, elle va représenter une gêne sensorielle. On peut aussi attendre de l’appareillage auditif une baisse des acouphènes.
À mon avis il y a deux limites. La première est que souvent ces patients ont une audition de l’autre côté strictement normale. Donc l’appareillage doit être mené de façon extrêmement progressive pour donner un vrai bénéfice. La deuxième limite est que tant que l’audition fluctue, comme vous le disiez, c’est compliqué car le réglage qui va être bon un jour ne va plus l’être le lendemain. Personnellement, j’ai tendance à être prudent et à ne pas précipiter les choses, d’attendre que la maladie se stabilise, autour d’une audition de 50 à 60 décibels. Les crises et les fluctuations s’arrêtant, c’est à ce moment-là que l’on peut faire un essai d’appareillage.
De temps en temps le fait d’apporter une ampli cation acoustique peut déclencher des vertiges. Cela s’est rencontré. Pourquoi ? Sans doute par le fait que la maladie a créé une certaine sensibilité de l’utricule et du saccule qui sont des capteurs situés juste derrière le tympan et le fait d’avoir une ampli cation acoustique importante peut déclencher des vertiges.
Donc ma réponse est oui, il faut envisager l’appareillage mais dans un moment où les vertiges sont peu ou pas évolutifs et surtout au moment où l’audition n’évolue pas de façon trop fluctuante.
Je suis atteinte de la maladie de Menière depuis 2002. J’ai subi une neurotomie vestibulaire en 2004 À l’époque on m’avait déconseillé l’appareil en me disant que, à partir du moment où mon audition fluctuait, l’appareil ne servirait à rien. Cela était en novembre 2004. Nous sommes en 2015, donc cela est-il toujours d’actualité ?
Vous avez onze ans de plus donc votre audition de l’autre côté a peut-être baissé ?
Non, justement et le professeur qui m’avait opéré m’avait dit : « Je vous garantis que votre audition ne baissera pas, elle restera stable. ». Je l’ai vérifiée il y a trois mois, elle n’a pas bougé.
À partir de 50 ans apparaît la presbyacousie. Le fait d’avoir une maladie de Menière n’est pas en quelque sorte un vaccin contre la presbyacousie. On peut faire un bilan d’audition tous les ans pour surveiller l’audition des deux côtés. En dix ans les appareillages ont beaucoup progressé. Il y a de nouvelles techniques comme les systèmes CROS® qui sont des systèmes de transfert vers la bonne oreille. On peut faire un essai d’appareillage soit des deux côtés soit de l’oreille malade vers la bonne par un système CROS®. En tout cas il faut un suivi régulier.
Concernant la neurotomie vestibulaire, y-a-t-il des inconvénients notamment le risque de paralysie faciale ?
Ce risque existe car il y a deux nerfs vestibulaires à côté du nerf de l’audition, le nerf cochléaire, et le nerf facial. Bien sûr, l’intervention est faite par des chirurgiens expérimentés et, d’autre part, on réalise un monitoring, c’est-à-dire qu’au début de l’intervention on va placer des capteurs qui vont détecter le moindre mouvement de la face et le chirurgien est prévenu par un signal dès qu’il approche très près du nerf facial.
Dans les publications médicales donnant des statistiques, très clairement la survenue de paralysie faciale suite à ce type d’intervention reste un évènement exceptionnel.
TINNITUSSIMO - 3e TRIMESTRE 2015
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