Apport de l’audioprothèse
Apport de l’audioprothèse pour les acouphéniques et hyperacousiques
Extraits de l’intervention de Philippe Metzger lors des conférences de l’Assemblée générale de France Acouphènes le 9 avril 2016
Transcription de l’enregistrement par Dominique Vallée.
Transcription de l’enregistrement par Dominique Vallée.
- 1 L’audition : présentation du système auditif
En tant que professionnels de santé, nous sommes complémentaires du médecin ORL et la plupart du temps, nous donnons des explications comme le Pr Venail (voir revue n° 92 page 8 ouI C I) ceci afin d’éviter de proposer une solution sans renseignement. Il faut absolument mettre le patient acteur de sa solution et lui expliquer correctement la situation de son audition. Dans nos consultations, nous rencontrons des personnes qui ont des problèmes d’audition avec ou sans acouphènes. Pour celles qui ont des acouphènes, nous prenons plus de temps, une première consultation dure souvent environ une heure. On commence par expliquer le processus de l’audition, car souvent les patients s’imaginent que l’acouphène est quelque chose de purement cérébral. Ils pensent tumeur cérébrale et, après avoir fait un IRM, ils savent que ce n’est pas le cas.
Expliquer l’audition c’est commencer par dire que nous percevons théoriquement les sons entre 20 Hz et 20 kHz, en fait plutôt entre 125 Hz et 12 kHz avec des niveaux d’intensité allant de 20 dB à 120 dB, seuil d’intolérance de l’oreille. On explique aussi que la zone conversationnelle, celle que l’on utilise pour comprendre la voix, se situe dans une zone beaucoup plus limitée, car on ne dépasse jamais les 10 kHz à 70 dB en intensité pour la voix humaine. On montre l’échelle de bruit et les différentes structures de l’oreille : oreille externe, moyenne et interne. La plupart du temps les personnes viennent nous voir pour des problèmes neurosensoriels, donc situés dans l’oreille interne. S’il s’agit de problèmes dans l’oreille externe ou moyenne, ils sont traités par l’ORL.
Rappelons la structure de l’oreille interne (voir figure 1) la cochlée et le mécanisme de tonotopie 1 : les fréquences aiguës sont plutôt à la base de la cochlée alors que les fréquences graves sont au sommet. On voit le détail de la cochlée, les cellules ciliées, l’organe de Corti, on explique un peu ce qu’est l’otoscopie etc. et on arrive à l’audiométrie.
1 tonotopie cochléaire : chaque zone de la cochlée code des fréquences particulières,les fréquences aiguës sont plutôt à la base de la cochlée alors que les fréquences graves sont au sommet.
- 2 L'audiométrie
Nous faisons deux types d’audiométrie : l’audiométrie liminaire, pour connaître le seuil de perception aux sons faibles et l’audiométrie d’intolérance, pour les fréquences mal tolérées par les hyperacousiques. Cette dernière mesure peut être très dangereuse et on fait très attention. Pour l’audiométrie liminaire, on fait écouter un son très très faible et on augmente légèrement par paliers jusqu’à ce que la personne dise : « Je commence à percevoir. ».
Bien sûr, c’est un son pulsé, donc, elle ne pourra pas le confondre avec son acouphène qui,la plupart du temps, est un son continu. En montant tout doucement, on va atteindre une intensité où la réponse est une grimace et on va ainsi pouvoir noter les fréquences qui sont les plus désagréables. Ceci est important, car les appareils auditifs sont capables aujourd’hui de traiter aussi bien les sons faibles, que les sons moyens ou forts.
On peut ainsi traiter des personnes qui ont à la fois de la presbyacousie ou hypoacousie et de l’hyperacousie. Parfois les gens nous disent : « Je sais que j’ai un problème d’audition, mais il est hors de question que je me fasse appareiller parce que je ne supporte pas les sons ; alors si vous m’appareillez cela va être encore pire et je ne le supporterai pas. »
. Souvent, on a des surprises car, si on appareille ces gens-là, on a des seuils d’inconfort très très bas mais on arrive à les réadapter à cette habitude d’entendre des sons et, souvent, on peut traiter un petit peu une hyperacousie avec un appareillage auditif à partir du moment, bien sûr, où il y a une perte auditive associée. S’il s’agit d’une hyperacousie sans perte auditive, notre appareillage sera sans effet.
- 3 Les acouphènes
Bien que l’audiométrie ait déjà été faite par l’ORL, nous en refaisons une autre pour la confirmer. Pour une personne acouphénique, on va aussi faire une recherche de la fréquence fondamentale de l’acouphène. Parfois, il y a deux fréquences d’acouphène, mais, en général, la personne le sait et nous le dit. Quand il n’y a qu’un acouphène, il est situé, la plupart du temps, sur la courbe, à l’endroit du scotome 2 . Souvent, sur l’oreille gauche, on voit que l’on a un scotome, c’est-à-dire une chute de perception, par exemple à 4 kHz, et la plupart du temps l’acouphène sera situé à cette fréquence. Cela s’explique par désafférentation 3 des voies centrales. En effet, à partir du moment où le patient n’a pas de perception à cette fréquence, il y a une contre-réaction au niveau central et le patient perçoit un son qui n’existe pas. L’acouphène correspondrait donc à l’inhibition des neurones à la fréquence de 4 kHz. L’étape suivante est une recherche de l’intensité de l’acouphène, par exemple, supérieure à 5 dB au-dessus
du seuil de perception auditive. Enfin, on va aussi réaliser une courbe vocale, appelée aussi score d’intelligibilité. Même avec une forte baisse d’audition (au-delà de 50 %), il est possible d’obtenir un bon score d’intelligibilité : avec des sons à 20 dB au-dessus de votre seuil d’audition, vous répétez tout sans faute, sans lecture labiale, bien sûr, car cela change les données. Parfois c’est l’inverse : on fait écouter aux patients un mot ou une syllabe à 20 dB au-dessus de leur seuil, ils sont incapables de comprendre le mot, en tout cas certains mots, et, on a beau augmenter le volume, ils ne le perçoivent toujours pas. Dans ce cas-là, nous avons une courbe en cloche par manque de reconnaissance de certains phonèmes que l’appareillage ne peut plus compenser. Le patient va alors effectuer une compensation, par exemple, par une lecture labiale ou par association, rapprochement avec les mots adjacents.
2 Un scotome est une perte d’audition localisée dans une bande de fréquence.
3 La désafférentation est l’absence totale ou partielle des sensations parvenant au cerveau.
3 La désafférentation est l’absence totale ou partielle des sensations parvenant au cerveau.
- 4 La surdité
Les degrés de surdité
On explique ce qu’est une surdité légère, moyenne ou sévère. Il faut savoir qu’à partir du moment où vous avez un seuil audiométrique à 20 dB, vous êtes normo entendants. Les gens me disent parfois : « J’ai 40 dB de perte, donc il me manque 40 dB ! », « Non ! Il ne vous manque que 20 dB ».
Les différents types de surdité
Si la surdité de transmission est liée à l’oreille moyenne, la surdité de perception, elle, est liée à l’oreille interne.
Les causes de la surdité
À partir de 45, 50, 55 ans, la prévalence augmente avec l’âge, c’est une presbyacousie, phénomène naturel lié à l’âge, ce n’est pas une pathologie. Vous pouvez voir, sur la figure 3,l’évolution moyenne de la presbyacousie en fonction de l’âge mais certains ont déjà une presbyacousie à 20 ans et d’autres n’en ont pas à 80 ans. On explique aussi les causes possibles de la surdité : les facteurs génétiques et bien sûr les traumatismes sonores qui, accumulés, ont pour conséquence des presbyacousies précoces. On montre des cellules ciliées cassées et on parle de prévention. À quelqu’un qui a une perte auditive et des acouphènes associés, il faut lui dire de faire très attention à ne pas prendre sa perceuse pour percer un mur en béton sans porter un casque. De ne pas lâcher sa porte de garage qui, en tombant, va faire un son très fort. Cela risque d’aggraver son problème d’acouphène.
- 5 Les protections auditives
Nous pouvons proposer deux types de protections auditives : les obturateurs, les bouchons et, de plus en plus maintenant, les filtres d’atténuation qui vont permettre à des personnes hyperacousiques de pouvoir être à l’extérieur avec une protection qui baisse de 20, 25 dB sans altérer la compréhension de la parole ou la qualité musicale. L’atténuation est dite étymotique, c’est-à-dire équivalente quelle que soit la fréquence. Les filtres à atténuation totale permettent, par une vis de réglage, de moduler l’atténuation jusqu’à boucher complètement l’oreille pour diminuer jusqu’à 60 dB les sons extérieurs. On entend toujours un peu par le phénomène de la conduction osseuse. Vous trouvez aujourd’hui dans le commerce des fi ltres plus ou moins chers, à partir de 18 euros pour les filtres standards, même pour les musiciens avec les filtres étymotiques, jusqu’à 170 euros la paire pour un obturateur fait sur mesure pour un musicien.
- 6 Les acouphènes : solutions et prise en charge audioprothétique
Corriger la perte auditive
Dans le cas d’un patient adressé par un ORL avec une perte d’audition et des acouphènes, la solution va passer par l’appareillage. Les fabricants d’appareils auditifs ont, aujourd’hui, tous pris en compte le fait qu’il y ait des patients avec perte auditive associée à des acouphènes. Globalement, tous les appareils sont munis de masqueur d’acouphène intégré. Cela nous permet de l’activer ou non et d’avoir deux programmes. Pour ceux qui se plaignent d’acouphènes, on leur propose un premier programme sans masqueur pour uniquement corriger la perte auditive. Cela va réafférenter 4 les voies auditives, réactiver les neurones des zones concernées par l’acouphène, leur faire entendre des sons qu’ils n’entendaient plus et avoir pour effet de masquer l’acouphène.
Dans 80 % des cas, le fait de porter l’appareil auditif va atténuer la gêne de l’acouphène. On parle de masquer, parce que, quand la personne retire son appareil, l’acouphène est présent. Si elle porte un appareil bien réglé sur la fréquence de l’acouphène, on a très souvent un résultat positif. Si cela ne suffit pas et que la gêne persiste, un deuxième programme peut être proposé, et activé par un bouton poussoir ou une télécommande. Il s’agira, soit d’un masqueur simple, soit d’un masqueur associé à une amplification.
- Les masqueurs d’acouphènes
On explique ce qu’est un masqueur d’acouphène car souvent la réponse est : « J’ai déjà un acouphène, pourquoi vous voulez m’en donner un autre ? ».
Il y a deux raisons : l’acouphène est un bruit que vous subissez et, à partir de ce moment, au niveau du tronc cérébral 5 , il va prendre une fonction d’alerte. Vous allez vous fixer sur votre acouphène et cela va devenir obsessionnel. Par contre, quand vous provoquez un son, il est naturel et il n’est pas perçu par le système central et il est donc très vite oublié.
Par exemple, la climatisation au bureau fait toujours un peu de bruit. Le matin, vous l’entendez en permanence et, au bout de 5 minutes, vous ne l’entendez plus ou, plutôt, vous n’y faites plus du tout attention. Le soir, quand vous la coupez, vous avez l’impression de tomber dans le vide parce que vous ne l’entendez plus.
C’est précisément le principe du masqueur d’acouphènes. Ce n’est pas un bruit en plus. Je propose aux patients de s’appliquer un bruit eux-mêmes, donc consciemment, et, au bout de quelques minutes, ils ne vont plus y faire attention parce que leur acouphène qui était un bruit d’alerte va passer au stade de bruit conventionnel, habituel, comme l’histoire du climatiseur. Il est donc neutralisé par le cerveau. On parle de clients stars, ceux dont le port de l’amplificateur fait estomper immédiatement le bruit de l’acouphène. Ils savent immédiatement si leur pile d’appareil est en panne.
Il y a deux raisons : l’acouphène est un bruit que vous subissez et, à partir de ce moment, au niveau du tronc cérébral 5 , il va prendre une fonction d’alerte. Vous allez vous fixer sur votre acouphène et cela va devenir obsessionnel. Par contre, quand vous provoquez un son, il est naturel et il n’est pas perçu par le système central et il est donc très vite oublié.
Par exemple, la climatisation au bureau fait toujours un peu de bruit. Le matin, vous l’entendez en permanence et, au bout de 5 minutes, vous ne l’entendez plus ou, plutôt, vous n’y faites plus du tout attention. Le soir, quand vous la coupez, vous avez l’impression de tomber dans le vide parce que vous ne l’entendez plus.
C’est précisément le principe du masqueur d’acouphènes. Ce n’est pas un bruit en plus. Je propose aux patients de s’appliquer un bruit eux-mêmes, donc consciemment, et, au bout de quelques minutes, ils ne vont plus y faire attention parce que leur acouphène qui était un bruit d’alerte va passer au stade de bruit conventionnel, habituel, comme l’histoire du climatiseur. Il est donc neutralisé par le cerveau. On parle de clients stars, ceux dont le port de l’amplificateur fait estomper immédiatement le bruit de l’acouphène. Ils savent immédiatement si leur pile d’appareil est en panne.
En fait c’est une histoire de contraste : si vous entendez mal, votre acouphène est noir sur blanc et, si vous entendez un petit peu mieux, votre acouphène est noir sur gris et, à ce moment-là, il est moins perçu et moins désagréable. Par contre, il y a ceux dont la seule amplification ne suffit pas et il faut y associer un masqueur. En effet, on a des systèmes qui nous permettent de faire choisir par le patient le bruit qu’il va entendre dans son appareil. Pour cela, il va utiliser une tablette lui permettant de changer la fréquence du son. Il doit ensuite choisir, un, deux, ou trois sons qui lui paraissent les plus confortables, les plus efficaces pour soulager son acouphène. Puis, on charge ces bruits dans le second programme de son appareil, qui va inclure la correction auditive et les bruits choisis.
On s’est aperçu que, au début, les acouphéniques utilisaient beaucoup le deuxième programme puis, peu à peu, ils l’oublient, et finalement restent plutôt sur le premier programme avec la simple correction auditive. Nous avons maintenant des appareils appelés contour d’oreille pas très esthétiques mais efficaces et pratiques. Il existe aussi des appareils plus discrets
qu’on appelle des RIC (écouteur déporté dans le canal). Ils comportent tous un masqueur d’acouphène quelle que soit la gamme ou la marque. Un appareil d’entrée de gamme à 800 € comporte un masqueur aussi efficace que dans un appareil haut de gamme à 1 800 € qui a beaucoup plus de canaux d’amplification. Les fabricants nous proposent des masqueurs multifréquences. On peut même avoir des masqueurs d’acouphènes dans les appareils dit intra auriculaires, ce qui n’était pas le cas récemment. Pour ce dernier appareil, il faut appuyer sur un petit bouton pour mettre ou arrêter le masqueur.
qu’on appelle des RIC (écouteur déporté dans le canal). Ils comportent tous un masqueur d’acouphène quelle que soit la gamme ou la marque. Un appareil d’entrée de gamme à 800 € comporte un masqueur aussi efficace que dans un appareil haut de gamme à 1 800 € qui a beaucoup plus de canaux d’amplification. Les fabricants nous proposent des masqueurs multifréquences. On peut même avoir des masqueurs d’acouphènes dans les appareils dit intra auriculaires, ce qui n’était pas le cas récemment. Pour ce dernier appareil, il faut appuyer sur un petit bouton pour mettre ou arrêter le masqueur.
4 Réafférenter : réactiver les neurones des zones concernées par l’acouphène.
5 Tronc cérébral : Il appartient au système nerveux central.
5 Tronc cérébral : Il appartient au système nerveux central.
Les différents sons
Il existe maintenant sur les sites Internet des fournisseurs d’appareils, des applications pour smartphone ou iPhone qui sont des générateurs de bruits : bruits blancs, bruits roses, musiques douces, disponibles gratuitement. Vous pouvez aussi trouver des streamers, sorte de collier, qui vous permet de recevoir ce qui vient de votre téléphone par liaison Bluetooth®. Il y a des bruits intéressants pour les acouphènes comme les bruits fractals. Ce sont des séries de fragments sonores qui n’ont pas de suite logique mais qui vont vous distraire de votre acouphène. Exemple de bruit fractal : le bruit du bois qui craque dans le feu de la cheminée. Ce type de bruit peut être transmis à votre appareil auditif à partir de votre téléphone portable. Tout en écoutant ce qui se passe autour de vous, vous avez en permanence ce bruit dans votre oreille avec la possibilité de le gérer vous-même et même de vous endormir en programmant son arrêt.
Les appareils à ancrage osseux
Il existe des appareils auditifs, qui sont en insertion profonde, que l’on garde pendant deux mois et que l’on retire après.
Il y a des études en cours sur un appareil que l’on porte jour et nuit et que l’on peut arrêter quand on veut, mais, en pratique, les patients ne l’arrêtent jamais.
On s’est rendu compte que de réactiver en permanence les voies auditives permet souvent de faire disparaître les acouphènes et cela répond à la remarque de beaucoup de personnes qui disent : « Je suis obligé de garder mon appareil la nuit, sinon mes acouphènes me gênent pour dormir. ». En fait, seul l’audioprothésiste peut poser un appareil de ce type, car il est placé très près du tympan. Le patient peut, par contre, le retirer, par exemple, lorsqu’il doit passer un IRM.
La question du changement de pile : dès lors que l’on est très près du tympan on a pas besoin de beaucoup d’énergie et il n’y a pas de traitement de signal, c’est un appareil analogique donc avec une très faible consommation (la consommation de piles a augmenté depuis que les appareils sont numériques). Officiellement, on peut garder l’appareil trois mois sans changer de pile. Mais, pratiquement, on atteint 2 mois à 2 mois et demi pour une utilisation permanente.
Un détail : dans les appareils actuels il y a une possibilité de couper les sons faibles. Par exemple, il n’y a plus amplification de sons situés en dessous de 30 dB. Or les acouphéniques ne supportent pas le silence ; il faut donc maintenir l’amplification des sons faibles. Voilà une solution trouvée pour que les acouphèniques portent un appareil en permanence à condition que le conduit auditif soit exempt de toute imperfection. Il faut ajouter l’inconvénient du prix : ce type d’appareil est proposé par abonnement aux environs de 1 500 euros par appareil et par an. C’est pris en charge par la Sécurité Sociale et les mutuelles au même tarif qu’un appareil conventionnel, base de 120 euros pour la Sécurité Sociale, ce qui est faible.
- 7 Les voies auditives
Dans la figure 5, sont représentés les noyaux relais du nerf auditif avant l’arrivée dans les aires primaires 41 et 42. Le premier noyau est assez important car il passe par le thalamus qui fait partie de ce qu’on appelle le réseau limbique. Il est directement lié à tout ce qui est système neurovégétatif qui régit par exemple le rythme cardiaque, la digestion etc. On pense que c’est à niveau-là que le son prend une valeur subjective : pour deux personnes différentes, le même acouphène sera ressenti différemment : l’un dira : « Je ne l’entend même pas » et l’autre dira : « C’est insupportable ». Lors de nos consultations, nous rencontrons trois types de patients :
- les patients sans perte auditive et ce ne sont pas les plus simples,
- les patients avec un reste d’audition pour lesquels on pourra utiliser leur système neuronal auditif pour atténuer l’acouphène,
- les patients avec une zone cochléaire morte (nota : la cophose complète est la perte complète de l’audition d’une oreille) ; c’est-à-dire que l’audiométrie peut être normale sur certaines fréquences et totalement inactive sur d’autres fréquences.
La cochlée est comme un piano, vous avez au début les aiguës, puis les médiums, puis les graves. Dans ce cas, on aurait alors des touches mortes. Si l’on envoie un son très fort, on va solliciter les fréquences adjacentes et la personne va dire : « J’entend » mais en réalité elle n’entend pas le son que l’on a ciblé, mais les fréquences les plus proches. Sur l’audiométrie, apparaissent alors des courbes fantômes. On fait écouter des notes de piano, et on demande à la personne si elle entend un son ou si elle entend un bruit. Dans le cas d’une zone cochléaire morte, au lieu d’entendre un son, une note, par exemple, elle entend un pichhh, pichhh… ce qui signifie qu’il n’y a plus de cellules sensorielles actives dans cette zone-là.
Les patients sans perte auditive: Si nous proposons un masqueur d’acouphène à quelqu’un qui a un acouphène, mais pas de perte auditive, le masqueur va peut-être atténuer l’attention portée à son acouphène ou le submerger un peu, mais sans y parvenir complètement. On ne va jamais arriver à l’inhibition totale. Il est évident que ce n’est pas ce qui est le plus efficace.
Les patients presbyacousiques: C’est classique : sur le programme 1, nous allons lui proposer une correction auditive et sur le programme 2, une correction auditive et un masqueur d’acouphène en lui donnant la possibilité de choisir le son masquant et son intensité.
Les patients avec zone cochléaire morte: Il n’y a pas de perception du son (voir la figure 6). Au-delà de 3 kHz, il n’y a pas de stimulation des fi bres nerveuses, ce serait l’implant cochléaire (stimulation électrique) qui serait le plus indiqué.
En résumé Lors de la consultation, nous essayons d’évaluer la valeur objective et subjective de l’acouphène pour savoir s’il est très gênant ou non. Sa valeur objective et sa fréquence dominante, est-elle aiguë ou grave ? Est-ce un son pulsé ou un son continu, avec une intensité nettement supérieure au seuil, ou pas trop ? Mais, comme nous ne pouvons pas l’objectiver, cela passe par l’appréciation du sujet qui nous dit : « Je l’entends comme ça. ». Pour évaluer la valeur subjective, surtout si le patient a du mal à exprimer ce qu’est son acouphène, un peu comme avec le ressenti de la douleur, on utilise des tests sous forme de questionnaires où on lui demande si l’acouphène est très gênant, si cela l’empêche de dormir, si c’est la première chose qu’il entend à son réveil ; est-ce qu’il y a un laps de temps où il ne l’a plus ? On essaie ainsi de cerner le handicap vécu par le patient.
La valeur subjective de l’acouphène Nous faisons souvent un travail préalable à celui du sophrologue, en expliquant les trois fondamentales : l’événement, la pensée et l’émotion. Face à un événement, on va avoir une pensée positive ou négative. Par exemple, si vous entendez un bruit chez vous la nuit, vous pouvez avoir deux types de pensée : une pensée positive : « C’est normal, j’habite une vieille maison, le vent souffle, donc c’est normal que cela craque… ». Cela ne vous réveillera pas vraiment et vous allez vous réendormir tranquillement. Mais si vous êtes une personne très inquiète, vous savez que votre voisin a été cambriolé la semaine dernière et, cette fois-ci, vous avez une pensée négative, une angoisse qui vous empêche de vous réendormir. Donc pour un même son, vous pouvez avoir deux sortes d’émotions différentes. On rapproche cet exemple de l’acouphène : il peut être similaire pour deux personnes, mais il sera perçu différemment selon la pensée positive ou négative que vous portez sur votre acouphène. Cela ne soigne pas l’acouphène mais permet à chacun de mieux le gérer.
- 8 En conclusion
Questions et réponses
Peut-on être appareillé avec une surdité de transmission qui a été traitée chirurgicalement ? Pour nous c’est le plus simple car comme il n’y a pas de dégradation au niveau neurosensoriel, on redonne de l’amplification. Le seul problème que l’on peut rencontrer, s’il existe une perforation tympanique, on ne peut pas passer par une conduction aérienne mais par une conduction osseuse, soit par un vibrateur sur une branche lunette ou serre-tête, soit par la pose d’un implant par une chirurgie. Dans ce cas, nous ajoutons un appareil auditif adapté.
Que peut-on faire si, au niveau du conduit externe, il y a une mycose avec eczéma ? Là aussi, un appareillage est possible, si le tympan est fermé.
Et, dans le cas d’un cholestéatome qui a été opéré, avec une otoplastie qui a été réalisée, puis après otospongiose, c’est possible ? C’est appareillable si vous n’avez pas trop d’atteinte au niveau neurosensoriel. Pour l’eczéma du conduit auditif, nous avons aujourd’hui des matériaux qui sont bien tolérés. Avec le nylon on n' avait avant aucune allergie alors qu’avec les matières plastiques type silicone, des allergies peuvent apparaître. Aujourd’hui, avec des résines photopolymérisantes, nous avons beaucoup plus de problèmes d’allergie qu’autrefois avec de simples résines polymères.
Dans ce cas, faut-il agir vite ? Cela concerne le dermatologue, mais, pour la perte d’audition, oui, il faut agir vite sachant que quand on est jeune cela est un petit peu moins important mais en cas de perte de stimulation au niveau central, une perte de reconnaissance peut être rapide. Donc, la précocité de l’appareillage est un facteur essentiel.
France Acouphènes : Souvent les adhérents nous disent : « J’aimerais bien m’appareiller mais cela n’est pas dans mes moyens financiers. Je voudrais savoir quand les prix vont baisser. D’autre part, que pensez-vous des appareils low cost, des appareils qui sont proposés en pharmacie à 290 euros ? ». Officiellement, les appareils en pharmacie sont des amplificateurs de son, ce ne sont pas des appareils auditifs. Je fais partie d’un réseau de prothésistes indépendants qui s’appelle Audition Conseil et nous avons mis dans notre offre, ces amplifi cateurs de son. Le ministère veut les appeler assistants d’écoute ; je ne suis pas d’accord avec cette appellation. Nous les proposons, parce que c’est l’occasion de faire un audiogramme que certaines personnes n’ont jamais fait. Je ne suis ni contre, ni pour l’assistant d’écoute, puisque nous le commercialisons. Je suis plutôt contre quand il est vendu en pharmacie, ou en ce moment chez Darty. Dans certains magasins de cette chaine, on trouve une panoplie complète d’assistants d’écoute qui va de l’intra auriculaire au contour d’oreille. A priori, ils seraient vendus par des commerciaux qui auraient reçu une formation à cela.
En ce qui concerne les prix des appareils, il faut savoir qu’en France ils sont moins chers que dans le reste de l’Europe. Je sais qu’en ce moment les médias nous accusent, parfois à tort, parfois à raison, d’être beaucoup trop chers. Mais si l’on compare à la moyenne des autres pays, on est nettement moins cher. Récemment, un journal, le New York Time reprochait aux audioprothésistes américains d’être beaucoup trop chers et prenaient la France comme exemple. Là-bas, un matériel se situe fréquemment dans la fourchette 2 500-3 000 € par appareil. C’est vrai qu’en France les coûts sont encore élevés, mais il faut savoir que c’est un coût global, c’est-à-dire le prix de l’appareil lui-même incluant le prix du service. Les services sont offerts sur une durée minimum de cinq ans et souvent beaucoup plus. Cela représente à peu près une vingtaine d’heures de travail pour l’audioprothésiste, et si l’on comparte par rapport au tarif horaire, ce n’est pas si cher que cela.
Aujourd’hui, nous avons un système mutualisé, c’està- dire que quand vous achetez un appareil auditif, vous allez utiliser plus ou moins vos vingt heures qui vous sont globalement dédiées pour les réglages de votre appareil. Il y aura des gens satisfaits au bout de quelques heures et d’autres pour lesquels vous allez passer 30 ou 40 heures avant d’arriver à une satisfaction. C’est cette mutualisation qui fait le prix moyen.
Cela nous permet aussi de faire accéder des personnes à l’appareillage pour parfois moins de 800 €. L’important est de trouver une solution à votre problème d’audition et, après l’examen, nous verrons les possibilités financières que l’on pourra vous proposer.
Le but n’est donc pas de vendre systématiquement un appareil très cher ou pas cher, mais de trouver un juste compromis entre vos moyens financiers et la dépense réelle. Aujourd’hui, en 35 ans d’expérience, je ne crois pas avoir échoué à appareiller quelqu’un à cause du prix. Je trouve toujours une solution. Les gens qui ont la CMU ont droit à 1 400 € pour leur appareillage et ceux qui ont un revenu un peu au-dessus ont l’ACS, (Aide Complémentaire Santé) et cela leur permet d’avoir une mutuelle qui leur rembourse 990 € plus la Sécurité Sociale. Ce type de mutuelle coûte à l’adhérent environ 11 € par mois.
Pour les personnes qui travaillent, le déficit auditif est très facilement reconnu comme un handicap et les aides sont assez importantes.
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